Le CPE, révélateur d'une crise institutionnelle et politique profonde- Réponse parue dans la Tribune de Genève

Publié le par regardsdegauche.over-blog.com

 tribune_geneve.jpg«L'issue de la crise ouverte en France par le CPE ne viendra pas du Conseil constitutionnel», remarquait Jean-François Verdonnet, la semaine dernière dans vos colonnes. Ce qui est absurde, c'est que l'on ait pu attendre d'une institution dont le rôle est de juger une question de droit (la conformité d'un texte à la Constitution) une réponse à un problème politique. Le Conseil des sages n'a pas à juger si le CPE est une bonne ou une mauvaise mesure, mais la situation de blocage à laquelle les carences des institutions françaises nous ont mené est telle que la recherche d'une porte de sortie frôle parfois le ridicule.

Comment en sommes-nous arrivés là? Evidemment par la faute d'un premier ministre qui a cru pouvoir impunément ignorer les partenaires sociaux et a refusé toute négociation préalable sur un texte qui, de toute évidence, précarisera considérablement la situation des salariés français sans améliorer celle des entreprises et de l'emploi. Mais aussi en raison des ressources institutionnelles qui sont laissées au gouvernement pour «passer en force» et éviter au maximum le débat. L'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution, qui permet d'escamoter le débat parlementaire, et le mépris des partenaires sociaux a ainsi mené à un face à face entre l'Exécutif et la rue qui, pour l'heure, n'a pas débouché sur une solution concrète.

Absurdité encore, lorsque le président de la République Jacques Chirac annonce qu'il promulguera la loi mais que celle-ci ne sera pas appliquée. Y a-t-il meilleure façon d'affaiblir l'autorité de la loi ? On sourirait presque à la lecture, dans les journaux français, de la nouvelle suivante: le ministre Borloo, qui a écrit aux branches professionnelles pour leur demander de ne pas signer de CPE, serait potentiellement passible de dix ans de prison et 150 000 euros d'amende: pour tentative de faire échec à la loi!

Des institutions qui restent à rénover, un premier ministre sourd, un chef de l'Etat aphone et mal inspiré: espérons que ce cocktail détonnant entraînera, après coup, une réflexion sérieuse sur le régime politique français et les réformes institutionnelles à mener. Pour que la France redevienne une démocratie digne de ce nom.

Nelly Morisot

Publié dans Dans la presse

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